13 mars 2007

S&F : l'avant papier de Lyon Cap


Le choc "Shopping & fucking"


Le jeune metteur en scène Simon Delétang présente une version “distancée” d’une pièce sulfureuse, sadique, réputée irreprésentable : shopping and fucking de Mark Ravenhill, violente critique de la société de consommation.


A sa création au festival d’Avignon, en 1996, dans une mise en scène de Thomas Ostermeier, Shopping and fucking avait fait scandale. Ecœurés, choqués, des spectacteurs s’étaient même évanouis ! La pièce du dramaturge anglais Mark Ravenhill, pleine de sexe, de sadisme et de violence, était mise en scène dans un réalisme cru et une grande violence qui culminait dans une longue scène de sodomie au couteau…
Depuis cette date, Shopping and fucking est devenue une pièce sulfureuse, réputée irreprésentable, et quasi bannie des théâtres en France. Pourtant, depuis plus de trois ans, le jeune metteur en scène Simon Delétang, ancien élève de l’Ensatt, Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre à Lyon, se bat pour monter cette pièce. “J’avais le sentiment qu’on pouvait en donner une autre vision, plus distancée. J’avais envie de prendre le contre-pied : quand la violence est inscrite à ce point dans l’écriture, il n’est pas besoin de la montrer.” explique Simon Delétang.

Le jeune artiste a pourtant essuyé de nombreux refus de la part des directeurs de théâtre, pour des raisons de morale personnelle ou par crainte vis-à-vis des subventionneurs. Le théâtre Les Ateliers a été le moins frileux et a décidé de coproduire cette création.

“La pièce est une critique de la société de consommation et de la mondialisation, dans le contexte post-thatchérien de désengagement de l’Etat où pullulent les laissés pour compte” résume Simon Delétang. Dans un supermarché, Mark décide d’acheter un couple, Lulu et Robbie, et de le ramener chez lui, avant de le délaisser pour aller en cure de désintox où il s’éprend d’un jeune prostitué, Gary. Démunis, Lulu et Robbie sont contraints d’enchaîner les petits boulots pour survivre, dealent de l’ecsta, se lancent dans le téléphone rose, et contractent des dettes qu’ils ne peuvent honorer. Gary leur propose alors de les payer pour réaliser son fantasme ultime : mettre en scène sa propre mort…

Etonnemment, dans cette pièce glauque, sadique et violente, Simon Delétang perçoit beaucoup d’humour et “des scènes qui décollent très vite du réel”.

Le metteur en scène joue donc sur le décalage et la mise à distance, le blanc plutôt que les couleurs criardes, “mais dans un théâtre qui reste incarné, charnel, généreux” insiste-t-il.
Pour les scènes les plus crues comme celle d’un viol, plutôt que de “déculotter deux hommes”, il a cherché “des transpositions oniriques”.
“A aucun moment, je n’avais envie qu’on soit dans le déballage pornographique. C’est un des écueils du théâtre contemporain que de vouloir faire comme au cinéma. Or, jouer la carte du réalisme pour des scènes extrêmes, c’est juste grotesque !” Le metteur en scène a pris le parti de dire à voix haute certaines didascalies - dont certaines sont incroyables : “silence - sodomie” -. Et les acteurs arrivent sur scène avec des sacs sur la tête, “comme des produits “prêts à jouer”” cette violente critique de la société de consommation.


Shopping and fucking, du 6 au 29 mars au théâtre Les Ateliers.
5, rue Petit David, Lyon 2e.
04 78 37 46 30.

Auteur : Anne-Caroline Jambaud

Aucun commentaire: